[Dossier Cancer] Quelle chaîne humaine pour accompagner les patients ?

Mieux dépisté, mieux soigné, le cancer reste une maladie qui peut occasionner des ruptures de trajectoires personnelles comme professionnelles. Pour être prise en charge efficacement et vécue avec le moins d’impacts possible, elle nécessite une mobilisation collective. La lutte contre l’isolement du malade est un axe-clé de la prise en charge.

 

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Les proches, famille et amis du malade, les soignants, mais aussi, de plus en plus souvent, des associations de patients et même l’employeur, tous ces acteurs doivent entrer en jeu et assurer un rôle actif dans l’accompagnement du malade. Ce maillage relationnel dense est indispensable pour permettre au patient de gérer au mieux les émotions liées à l’annonce de la maladie, puis au traitement et à la préparation de l’après-cancer.

 

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Le patient est bien plus qu’un malade

Pour traverser le plus sereinement possible la maladie, le patient doit être accompagné dans toutes ses dimensions. Il ne s’agit pas seulement de vaincre la tumeur, il faut aussi prendre en compte les répercussions psychologiques et physiques sur la personne. Car en s’occupant de façon globale de l’individu, on est plus efficace qu’en se concentrant simplement sur la maladie. De nouvelles approches émergent, comme la socio-esthétique qui propose des réponses sous forme de soins, de gestuelles et de produits adaptés pour prévenir et soulager les effets indésirables des traitements. Les consultations nutritionnelles, la sophrologie et de nombreuses Interventions Non Médicamenteuses (INM) peuvent également entrer dans cet accompagnement… à condition qu’elles soient dispensées par des praticiens formés à la prise en charge de patients atteints de cancers.

 

Les associations : relais et amplificateurs d’informations

Maillons forts de cet écosystème et incontournables relais d’informations, les associations jouent aujourd’hui un rôle central aux côtés des patients et de leurs proches. À l’exemple de Corasso : cette association de patients s’est donnée pour mission de « soutenir et d’informer les personnes touchées par un cancer ou un cancer rare tête et cou ». La difficulté première pour les malades atteints de ces cancers, rares et mal connus, est d’accéder à une information fiable, concrète et utile. Sabrina Le Bars, Présidente de l’association, confirme : « La première information que l’on recherche, ce sont nos chances de survie. Mais c’est une question qui n’a pas vraiment de sens, a fortiori dans le domaine des cancers rares, puisqu’on a trop peu de données statistiques. En revanche...

... il y a de nombreuses autres informations, telles que des conseils sur les gestes à accomplir pour faciliter les soins et la récupération, qui seraient utiles aux malades. Or, ça, on ne le sait pas forcément…
Sabrina Le Bars
,
Présidente de l’association Corasso

Des questions encore sans réponse…

Sabrina a elle-même été diagnostiquée d’un cancer rare des glandes salivaires il y a une dizaine d’années. À l’époque, on l’oriente vers des associations de patients touchés par des cancers les plus courants. Mais les réponses qu’elle y trouve ne sont pas adaptées à la spécificité de son cancer. En effet, ces cancers nécessitent généralement des actes de chirurgie et de radiothérapie pour être soignés efficacement. Des actes qui peuvent entraîner des séquelles très lourdes au niveau fonctionnel ou esthétique. Comment les anticiper au mieux ? Quels traitements d’accompagnement peuvent aider à en limiter l’impact ?

 

Une communauté de pairs

Pour Sabrina, c’est dans les moments d’échanges avec d’autres malades, et notamment avec Christine, soignée pour une pathologie similaire à quelques chambres d’écart, que l’on trouve des éléments de réponse. Et c’est pour faciliter la diffusion de ces informations qu’elles créent ensemble l’association Corasso, en 2014. Aujourd’hui, elle compte plus de 200 adhérents : « Outre le partage d’information entre patients, l’association assure également un rôle d’orientation vers des experts et des centres référents, » souligne Sabrina. « Mais surtout, nous donnons l’opportunité aux patients de se retrouver et de s’exprimer au sein d’une communauté de pairs...

Lorsqu’on est touché par une pathologie rare et stigmatisante, à cause de lourdes séquelles, c’est très précieux de pouvoir partager avec des gens qui vivent la même chose.
Sabrina Le Bars
,
Présidente de l’association Corasso

//// L'entretien avec Estelle Lecointe-Artzner, Présidente et fondatrice de l’association Info Sarcomes

 

Info Sarcomes : unis face aux cancers rares

 

Association au positionnement atypique, Info Sarcomes réunit patients atteints de sarcomes et corps médical autour d’un objectif partagé : mieux comprendre la maladie pour mieux accompagner les patients. Un objectif que résume sa signature : « Informer pour mieux traiter ».

 

Où en est-on aujourd’hui en France de la connaissance des sarcomes* ? Quelles sont les informations accessibles aux patients ?

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Estelle Lecointe-Artzner, Présidente et fondatrice de l’association Info Sarcomes : « Les sarcomes représentent moins de 1 % des tumeurs cancéreuses et touchent 0,006 % de la population. Cependant, malgré leur rareté, les sarcomes sont aujourd’hui mieux connus grâce au travail de l’association et, depuis la création des centres de référence sarcomes en 2010, les patients peuvent désormais plus facilement identifier les établissements compétents dans la prise en charge de ces cancers rares. C’est grâce au second Plan Cancer (2009-2013) que les cancers rares ont été pris en considération et que ces centres de références, labellisés par l’INCa, ont vu le jour. Reste que dans les sarcomes, chaque patient est unique et qu’il subsiste encore des sarcomes pour lesquels nous n’avons que très peu d’informations, voire aucune. Des associations comme Info Sarcomes jouent donc un rôle majeur en répondant notamment à deux besoins primaires du malade une fois le diagnostic posé : celui de comprendre de quoi il est atteint et celui de trouver des pairs et un « point d’attache » dans un contexte où l’on peut se sentir très isolé. »

 

En tant que patiente, de quel accompagnement avez-vous bénéficié durant les phases de diagnostic et de traitement ? Quel constat avez-vous établi ?

« J’avais 27 ans à l’époque où l’on m’a diagnostiqué un sarcome métastatique non opérable. Mon premier réflexe a été de me tourner vers la Ligue contre le cancer pour avoir des informations. Mais la seule définition que l’on a pu me donner de ma maladie, à l’époque, tenait en deux mots : cancer orphelin. Il n’existait rien, aucune information sur les traitements. J’ai dû tout entreprendre par moi-même : chercher des informations fiables, traduire des articles scientifiques auxquels je ne comprenais pas grand-chose, les adapter, les vulgariser. »

 

Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête d’une association de patients ?

« En 2005, à force d’acharnement, j’ai réuni suffisamment d’informations pour réaliser une brochure d’information dédiée à ma maladie et créer une première association : Ensemble contre le GIST (pour Gastro Intestinal Stromal Tumor). Là, j’ai commencé à participer à des forums associatifs et à entrer en contact avec des institutions, comme l’Institut National du Cancer (INCa), pour les sensibiliser aux enjeux des cancers rares. Et en 2007, j’ai participé à la campagne d’information des « héros ordinaires » visant à modifier l'image du cancer au sein de la société. Cette campagne, qui a bénéficié d’une importante couverture médiatique, nous a fait connaître plus largement et de nouveaux malades se sont rapprochés de l’association. Depuis, l’association Ensemble contre le GIST, bientôt relayée par Info Sarcomes, a fait beaucoup pour mutualiser et partager les informations et rendre visible le réseau d’experts. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les malades diagnostiqués ne sont pas du tout dans la même situation que la mienne ! »

 

Travaillez-vous avec d’autres associations ? Et avec Bayer, quel partenariat ?

« Surement pas assez car le travail associatif est très chronophage et que chaque association a tendance à rester centrée sur sa thématique. Les laboratoires font partie de ceux qui nous permettent de nous rencontrer. Dans le cadre des réunions de travail qu’ils organisent, ils facilitent les échanges avec d’autres associations et partenaires institutionnels. C’est dans ce contexte que nous collaborons avec Bayer : nous participons à des rencontres inter-associatives sur des thématiques bien précises. Mais ces moments d’échanges restent encore trop rares, car nous voulons avant tout accorder notre temps aux patients, ils sont notre priorité. »

 

*Sarcome : cancer qui se développe au niveau des tissus conjonctifs (tissus servant de soutien, d'emballage, de protection ou de remplissage aux autres organes du corps : os, muscle, graisse, vaisseaux…). Chacun de ces éléments peut être à l'origine d'un sarcome. (Source : INCa)

 

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